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Le secret de l’enquête et de l’instruction prévu à l’article 11 du code de procédure pénale est un principe de plus en plus discuté sans pour autant que les différentes réformes aient remis en cause sa force.
En effet, le secret dans la phase relative aux investigations est une règle traditionnelle qui remonte à l’ordonnance de 1670 .

Cependant, on observe depuis le début du XXe siècle que différentes propositions ont été faites : certaines visant à rendre l’enquête et l’instruction plus transparentes, tandis que d’autres, au contraire, cherchent à renforcer le secret. Ces initiatives reflètent un désir de changement de la part du législateur, marqué par une certaine versatilité .

Quoi qu’il en soit, le principe demeure toujours et est prévu à l’article 11 du code de procédure pénale qui dispose :


« La procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète »

I) Les violations répétées


Il est crucial de souligner qu’au cours des cinquante dernières années, suite à de multiples affaires judiciaires, la violation du secret de l’enquête et de l’instruction a principalement nui aux droits et à la réputation des personnes poursuivies de manière quasi-exclusive.


Ces événements ont mis en lumière l’importance cruciale de renforcer ce principe fondamental afin d’assurer une justice équitable. Au fil des dernières années, cette préoccupation s’est intensifiée, notamment en raison de la prolifération croissante d’informations secrètes transmises à des journalistes, exposant ainsi les personnes poursuivies à une diffusion non maîtrisée sur les réseaux sociaux.

Cette montée en flèche des violations du secret de l’enquête et de l’instruction a souligné l’urgence de renforcer les mécanismes de préservation de ce principe essentiel pour préserver l’intégrité du processus judiciaire et les droits de la défense.


Il est manifeste qu’aujourd’hui, le secret dans la phase de pré-jugement demeure essentiellement théorique : le procureur de la République n’a nul besoin de requérir la communication du dossier. Comme le soulignait Pierre Chambon, il est mieux informé en lisant les journaux ou en regardant la télévision, l’instruction se déroulant parfois avec la complaisance des chaînes de télévision.


Le législateur, conscient de la nécessité de préserver le secret des investigations dans un impératif d’efficacité, a cherché à résoudre la question de la protection des personnes poursuivies en mettant en avant le rôle du procureur de la République.


II) Des corrections inadaptées


Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler que la violation du secret de l’instruction sous couvert d’un droit à l’information supposerait l’existence d’un droit subjectif à l’information. Cependant, comme l’indique le professeur Jacques Leroy, l’existence d’un droit subjectif à l’information est une pétition de principe.


Il souligne également que c’est une tendance contemporaine de voir des droits partout, même là où ils n’existent pas.


Dès lors, la mise en avant répétée, notamment par des journalistes, d’un prétendu « droit fondamental » à l’information ne peut perdurer. Ce préalable étant rappelé, le législateur a tenté de corriger les violations de plus en plus inquiétantes du secret des investigations au moyen d’un alinéa intégré à l’article 11 du code de procédure pénale.


L’alinéa 3 de l’article susmentionné dispose que :


« Toutefois, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d’office et à la demande de la juridiction d’instruction ou des parties, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause. »


La démarche s’inscrit dans un cadre plus général visant à renforcer le rôle du procureur de la République. Il est à noter que cette disposition a été maintenue par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.


Cependant, cela ne saurait pleinement satisfaire les intérêts des personnes poursuivies. Il ne suffit pas de leur offrir des garanties théoriques, mais il est nécessaire de consacrer une véritable protection contre une « présomption de culpabilité » qui est souvent perçue dans l’opinion publique comme la norme.
Le procureur de la République se révèle être un faux ami en réalité. Il ne joue pas le rôle de juge et ne mène pas l’enquête « à charge et à décharge ».

En effet, son objectif affiché est de soutenir activement l’accusation. En aucun cas, il n’a vocation à agir en tant qu’arbitre, et encore moins à assurer la préservation des intérêts de la personne poursuivie.

Il existe deux outils à disposition de l’avocat pour assurer les droits de la défense de son client sans être en violation des articles 11 du code de procédure pénale et l’article 434-7-2 du code pénal que sont les Droits de la défense et l’article 9-1 du code civil.

III) Les outils à dispositions de l’avocat


A titre de rappel, le secret de l’enquête et de l’instruction est pour l’avocat non seulement une obligation légale est également une obligation déontologique.


C’est pourquoi les avocats, en tant que personnes concourant au secret des investigations sont soumis au secret dans la mesure où il n’est pas porté atteinte aux droits de la défense.


III.1 Les droits de la défense


En effet, du point de vue de l’avocat, le secret de l’enquête et de l’instruction, fondé uniquement sur la protection du mis en examen, ne devrait pas porter atteinte aux droits de la défense, comme le précise l’article 2 bis du RIN et l’article 11 du code de procédure pénale.


La question de la portée d’une telle exception doit être soulevée, car au-delà de la stricte nécessité de la défense permettant à l’avocat de prendre connaissance du dossier avec son client et, sous certaines conditions, de lui remettre une copie de tout ou partie de ses éléments, l’avocat peut être amené à vouloir rendre publics des éléments du dossier.

Cela peut se produire lorsque le client fait l’objet d’articles de presse le présentant de manière déformée et qu’il demande à son avocat de répliquer à ces mêmes articles (droit de réponse). La même situation se pose lorsque le procureur de la République, par un communiqué à la presse, dresse un bilan incomplet ou erroné.


Ainsi, il est tout à fait possible pour l’avocat de faire des déclarations, de signer des communiqués de presse, dans la mesure seulement où il agit dans l’intérêt de son client. Ces déclarations doivent être mesurées et limitées au strict besoin de la défense, ne devant pas conduire à la publication ou à la diffusion de documents issus du dossier d’instruction.


III.2 La présomption d’innocence


L’article 9-1 du code civil permet d’obtenir que soient prescrites par le juge toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser toute atteinte à la présomption d’innocence.


En effet, l’article susmentionné dispose :


« Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »


Il ressort de cette disposition non seulement la possibilité de saisir le juge d’une mesure d’urgence, mais également la faculté d’engager, de manière concomitante ou ultérieure, la responsabilité de toute personne ayant porté atteinte au principe fondamental de la présomption d’innocence dans une perspective de réparation du préjudice.


EN CONCLUSION


Il est indéniable que les avocats jouent un rôle central dans la protection des justiciables, en tant que gardiens des droits fondamentaux au sein du système judiciaire. Face aux risques que représente la violation du secret de l’enquête et de l’instruction, ces professionnels du droit sont investis d’une responsabilité cruciale pour préserver la présomption d’innocence et protéger leurs clients d’une éventuelle stigmatisation publique.


Les avocats ont la possibilité d’agir activement en faveur de leurs clients. Ils peuvent solliciter l’intervention du procureur, plaidant pour la diffusion d’éléments objectifs issus de la procédure, dépourvus d’appréciations sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Par ailleurs, ils ont le droit d’entreprendre des actions directes, telles que la rédaction de déclarations ou la signature de communiqués de presse, à condition que ces actions soient guidées par l’intérêt légitime de leur client. Toutefois, il est impératif que ces déclarations demeurent mesurées et limitées au strict nécessaire de la défense, ce qui interdit en toute circonstance la publication ou la diffusion de documents provenant du dossier d’instruction.


Enfin, les avocats disposent du mécanisme prévu par l’article 9-1 du code civil, qui leur permet de saisir le juge en vue de l’adoption de mesures d’urgence pour faire cesser toute atteinte à la présomption d’innocence.

En agissant de manière éclairée et éthique, les avocats sont non seulement les défenseurs juridiques de leurs clients, mais également les gardiens vigilants des principes fondamentaux de la justice et de l’équité.

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