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« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Il résulte de l’article 17 de la DDHC que l’expropriation de biens par la puissance publique n’est permise qu’à la condition d’une juste et préalable indemnité.

La détermination de cette juste indemnité est régulièrement sujette à interrogation de la part des expropriés. Comment est évalué le bien exproprié ? Par qui ? Dans quels délais ? Comment intervenir et faire valoir ses observations ?

Le présent article entend présenter brièvement les éléments de procédure et de fond auxquels les expropriés doivent être attentifs afin de garantir au mieux leurs intérêts et être indemnisés de l’entièreté de leurs préjudices.

De façon succincte, la procédure de fixation de l’indemnité d’expropriation se concrétise de la façon suivante.

Tout d’abord, l’autorité expropriante notifie aux expropriés une offre amiable pour l’indemniser de la dépossession de son bien. Cette offre amiable est, dans la plupart des cas, une évaluation basée sur les normes de la Direction de l’Immobilier de l’État chargé également de sauvegarder les deniers publics.

Le plus souvent, passé le délai d’un mois à compter de cette offre, si celle-ci n’est pas acceptée, l’autorité expropriante saisit le juge de l’expropriation en vue de la fixation de l’indemnité d’expropriation (R311-9 du Code de l’expropriation). L’exproprié dispose d’un délai de 6 semaines pour répondre au mémoire de saisine (R311-11 du Code de l’expropriation).

Au minimum 6 semaines après la saisine de la juridiction, une visite des biens expropriés est organisée (Art. R311-14 du Code de l’expropriation). Cette visite a pour objet de recueillir l’ensemble des éléments essentiels à la fixation de l’indemnité et notamment d’apprécier l’état et la consistance des biens.

A l’issue de la visite se tient l’audience publique puis dans le délai de quelques semaines intervient le délibéré par lequel le juge de l’expropriation fixe le montant de l’indemnité d’expropriation.
Il appartient donc au juge de déterminer et d’apprécier la juste indemnité d’expropriation.

Dans le cadre de la détermination de cette juste indemnité, nous nous attacherons, en premier lieu, à rappeler l’importance pour les expropriés de se faire représenter par un avocat (I.).

Cette représentation est d’autant plus déterminante que la fixation de l’indemnité d’expropriation nécessite une expertise notamment pour apporter la preuve d’un préjudice certain (II.).

Finalement, il conviendra de mentionner des chefs de préjudices qu’il est possible de demander à titre accessoire (III.).

I. Ne pas être représenté par un avocat, c’est entériner l’offre de l’autorité expropriante.

En matière de fixation de l’indemnité d’expropriation, la loi impose de se faire représenter par un avocat.

Conformément à l’article R311-9 du Code de l’expropriation, les parties sont tenues de constituer avocat.

En l’absence de représentation par avocat, les expropriés ne pourront notamment pas :

répondre aux offres et mémoires de l’autorité expropriante et donc soulever l’ensemble des chefs de préjudices susceptibles d’être indemnisés par la juridiction,
contester les termes de références produites par l’autorité expropriante,
intervenir lors de l’audience.
Surtout, la loi contraint le juge de l’expropriation à entériner l’offre de l’autorité expropriante en l’absence d’avocat représentant l’exproprié.

En vertu de l’article R311-22 du code de l’expropriation :

« Le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu’elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l’expropriant ».

Il résulte de cet article que lorsque les expropriés ne sont pas représentés par un avocat, le juge doit statuer dans les limites des offres de l’autorité expropriante et ne peut accorder une indemnité supérieure à celle retenue par l’autorité expropriante.

En d’autres termes, le seul fait de ne pas être représenté condamne l’exproprié à recevoir une indemnité qui ne pourra être supérieure à l’offre de l’autorité expropriante.

II. L’indemnité d’expropriation est déterminée au regard de la valeur certaine du bien.


Conformément aux dispositions de l’article L321-1 du Code de l’expropriation :

« Les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ».

Il résulte de cette disposition qu’il importe aux expropriés de justifier leurs prétentions indemnitaires.

Or, la fixation de l’indemnité d’expropriation est une évaluation immobilière technique qui nécessite une expertise.

En effet, afin d’apprécier la valeur des biens expropriés les juridictions retiennent majoritairement la méthode d’évaluation dite par comparaison.

Cette méthode consiste à comparer le bien exproprié à des immeubles équivalents situés dans le même secteur.

Le débat judiciaire s’effectue alors au regard de références et de termes de comparaison que chaque partie produit.

Dans ce cadre, le juge de l’expropriation écarte les références qui n’attestent pas de la valeur certaine des biens.

A titre d’exemple, le juge rejette systématiquement :

  • les estimations immobilières,
  • les promesses de vente,
  • les ventes sans mention des références de publication,
  • les ventes trop anciennes, ou relatives à des biens incomparables ou à des biens situés dans un autre secteur.

Une récente décision du Tribunal judiciaire de Créteil résume clairement quels termes de référence sont susceptibles d’être écartés par le juge :

« Par ailleurs, s’agissant des termes de comparaison, il doit être précisé que ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes pour lesquelles les références de publication, les références cadastrales, l’adresse exacte avec le numéro de rue et la date exacte sont communiqués afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des bien concernés ainsi que les modalités des transactions : les biens dont les surfaces diffèrent trop ne sont pas retenus, de même que les références trop anciennes ou ceux pour lesquels la valeur unitaire par m² n’est pas définie »1.

En conclusion, les expropriés doivent veiller à se prévaloir d’un préjudice certain sur le fondement de références. Ces références doivent réunir ces conditions :

  1. constituer des ventes et des jugements définitifs ;
  2. être récents (intervenus il y a moins de 5 ans) ;
  3. être relatifs à des biens comparables (surface du terrain et du bâti, état d’entretien, nature du terrain et des constructions, etc) et situés dans le même secteur des biens expropriés ;
  4. il doit être possible d’accéder aux actes, soit en les produisant soit en communiquant les références de publications.

III. L’ensemble des chefs de préjudices susceptibles d’accorder une indemnité ont-ils été soulevés ?

Il est constant que, face aux offres de l’autorité expropriante, les expropriés ne sont pas en mesure d’apprécier l’entièreté des chefs de préjudices qu’ils pourraient soulever.

À toutes fins utiles, il est présenté ci-dessous quelques exemples non exhaustifs de préjudices qui sont accordés par les juridictions :

Indemnités pour dépréciation du surplus : l’expropriation partielle d’un bien a-t-elle eu pour conséquence une moins-value du reste de l’immeuble non expropriée ?
Le cas échéant, cette dépréciation constitue un dommage indemnisable2.

Indemnités de clôture : la procédure d’expropriation engendre-t-elle un coût de reconstitution d’une nouvelle clôture le long de l’emprise non expropriée ?
Dans ce cas, l’expropriant doit prendre en charge ce coût3.

Indemnités de déménagement : le départ forcé du bien exproprié a-t-il engendré des coûts de déménagement ?


Indemnités pour perte de revenus ou de loyer : l’ancien propriétaire a-t-il perdu des revenus locatifs pendant le délai nécessaire pour acquérir un autre bien ?


Les expropriés peuvent être indemnisés pour le préjudice résultant du non-paiement des loyers en raison du départ anticipé de leurs locataires et de la procédure d’expropriation4.

  1. TJ Créteil, 2 décembre 2022, n°22/00028. ↩︎
  2. Cass, 3ème ch. civ. 4 Avril 2019, n° 18-10.989 ↩︎
  3. Cass. 3ème ch. civ, 24 juin 2021, n°20-17.596. ↩︎
  4. Cass, 3e ch. civ., 7 avril 2015, n° 13-27.547. ↩︎

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